Ingénierie de programme : créer un cadre légitime

Après deux ans de recherche sur le mentoring et avec une dizaine d’années d’expérience d’accompagnement d’entrepreneurs, de cadres dirigeants et de mentors, je vous propose pour les 5 prochains articles de cette série « Le mentoring en entreprise », de partager mes réflexions et résultats sur l’ingénierie de programme de mentoring. Ceci s’adressera aussi bien aux institutions souhaitant créer ou améliorer un programme de mentoring d’entrepreneurs qu’aux organisations souhaitant créer ou développer leur programme interne de mentoring de hauts potentiels.

Le premier point et c’est un point clé de réussite d’un programme formel de mentoring, c’est le cadre de référence. Tout d’abord il aide les potentiels participants à se reconnaître dans le programme autour des valeurs qu’ils portent. Par exemple le Réseau Entreprendre porte de forte valeurs telles que « L’important, c’est la personne », « Le principe, c’est la gratuité » et « L’esprit, c’est la réciprocité » . Nous verrons aussi à quel point ces valeurs sont importantes pour les programmes de mentoring inter-organisationnel dans l’attraction de mentors.

Le cadre c’est aussi une certaine crédibilité et légitimité de l’institution organisatrice ou des instigateurs du programme. Ceci peut être acquis au travers des valeurs des membres fondateurs, de la qualité des mentors recrutés, des régles de fonctionnement du programme, du sérieux des organisateurs, du suivi des relations de mentoring et des résultats du programme. Dans le cas du mentoring d’entrepreneurs, il est important pour l’institution organisatrice du programme de devenir un tiers de confiance auprès des potentiels participants (nous verrons cette notion plus en détail ultérieurement). Dans le cas de mentoring interne, les organisateurs doivent bien préparer le programme (cadre, objectifs, valeurs, types de participants etc.) avant de communiquer et de lancer le programme.

Par exemple nous pouvons citer les objectifs du programme de mentoring (ici appelé parrainage) du Pays d’Aix Initiatives :

  • « Apporter un conseil expérimenté et extérieur sur les problèmes que rencontre  l’entreprise » ;
  • « L’inciter à la mise en place des éléments indispensables à un contrôle de gestion rigoureux » ;
  • « Conseiller le chef d’entreprise pour anticiper les risques, éviter des dérapages dangereux pour l’avenir ».

Nous verrons par la suite combien cette notion de cadre légitime est répercutée tout au long du processus de mentoring : de l’attraction des participants, à la mesure des résultats en passant par la création des binômes, leur formation et leur suivi.

Nous voyons chez Ashoka (fondé par Bill Drayton, ancien de McKinsey), que leur objectif principal étant d’accompagner les entrepreneurs sociaux, leur mesure du résultat est cohérente avec les valeurs sociétales du programme. En effet, ils mesurent  la longévité de l’engagement (social) de l’entrepreneur, l’effet boule de neige (la réplication du processus), l’impact gouvernemental et le leadership dans son secteur. Ils mesurent également l’impact de l’accompagnement d’Ashoka (différentes formes de support) sur la réussite de l’entrepreneur.

Les cadres les plus efficaces sont ceux qui portent des valeurs de développement avec une portée sociétale dans le cas du mentoring inter-firme, et avec une portée carrière dans le cas du mentoring interne. Dans les deux cas, la participation doit être volontaire et les objectifs tournés vers l’individu (le mentee). Si les objectifs semblent trop orientés vers l’organisation, ce qui pourrait être le cas du mentoring interne, les participants pourraient prendre la démarche comme intéressée et ne pas s’y impliquer totalement, ce qui mettrait en danger le programme.

Par exemple le Prince’s Trust aide les jeunes (18-30 ans) au chômage à devenir entrepreneur ; la Mowgli Foundation met en relation des mentors et des entrepreneurs de pays pauvres afin d’aider à la décroissance de la pauvreté par l’entrepreneuriat ; et la filiale de Clutterbuck Associates d’Afrique du Sud aide des entrepreneurs noirs à monter leur business. Dans les programmes de mentoring interne comme ceux du Groupe Caisse d’Epargne ou de SAP Brésil, l’objectif est d’aider les hauts potentiels dans leur développement de carrière afin d’avoir un pool de futurs dirigeants disponibles pour pallier au papyboom ou à la croissance explosive. L’organisation prend ici le risque (calculé) de perdre ces personnes si après avoir relevé le niveau de leurs exigences, elle n’est pas capable de leur offrir des opportunités de promotion ou de développement au sein de l’entreprise.

Nous avons vu aujourd’hui l’importance de donner au programme un cadre avec des valeurs et des objectifs et dans les prochains articles nous aborderons les autres points clés de la réussite d’un programme :

  • Comment attirer des mentors de qualité ;
  • La formation des participants ;
  • Comment mettre en relation les membres du binôme (mentor et mentee) ;
  • Le suivi de la relation et la mesure des résultats.
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