Le magazine Wired vient de publier un article sur un constat que je refais avec un peu de retard, après l’avoir prédit il y a deux ans avec une petite dose de pessimisme (on peut aussi appeler cela de la lucidité).

De 2005 à 2009, l’industrie des énergies propres et/ou renouvelables a été le sujet brûlant,

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secteur dans lequel l’avenir technologique et industriel de nombreux pays devait se créer. Les US iront jusqu’à investir 44,5 milliards de dollars en financements publics et privés. Et la France n’ayant pas été en reste, en sponsorisant largement le prix de rachat du kW solaire, qui permettra aux vendeurs de panneaux de tous poils de faire florès.

Début 2012 la bulle spéculative sur ces énergies semble avoir explosé, sans que personne ne veuille l’avouer.

Si nous faisons un petit retour en arrière, de 2007 à 2009 j’ai été particulièrement frappé de voir le nombres de startups ou de TPE qui se créaient sur la simple base d’un prix de rachat attractif du kW. Étant dans un certain nombre de comités jaugeant ces projets, je dois dire que peu de porteurs étaient de purs opportunistes : beaucoup pensaient pouvoir compter sur cette manne de façon stable. Le sentiment général était que ce n’était que le début d’une révolution qui allait en quelques années balayer la façon dont nous produisions notre énergie et la consommions. Or pour ceux qui ont eu l’occasion de se pencher sur la technologie du photo-voltaïque, l’évidence a toujours été là : les rendements sont insuffisants, les coûts de production difficilement améliorables, l’installation sur site délicate et finalement très coûteuse en elle-même. Sans parler du fait que l’on ne sait toujours pas stocker en masse l’énergie électrique (ou alors on stocke avant de produire et cela s’appelle un barrage).

La voiture électrique elle-même est toujours en bute à ce problème central sous deux formes : (1) il n’y a pas assez de métaux rares sur la planète pour produire des batteries de voitures pour une grande partie de la population et (2) presque personne ne travaille réellement sur le goulet d’étranglement de la distribution. Or ce type de changement de paradigme n’est pas simple. Imaginez-vous sérieusement qu’à terme ce type de solution puisse perdurer :

smart électrique amsterdam

Alors bien entendu, comme dans toutes les activités technologiques, la promesse future fait rêver.

Et heureusement, car c’est elle qui lance les premiers explorateurs, les innovateurs. Mais arrive rapidement le moment où il faut savoir si cette promesse sera tenue dans un délai compatible avec un cycle de vie de marché. En l’occurrence : il y a t’il une chance qu’en moins de 3 ans tous les problèmes fondamentaux du solaire soient réglés ?  Pour le dirigeant d’une entreprise qui se lancerait dans cette aventure, il n’y a aucune question compliquée à se poser sur le marché. La seule variable de l’équation à résoudre est technologique. Et pour l’instant la rupture n’est pas arrivée et c’est la Chine qui, ironiquement, maîtrise la production de panneaux solaires avec plus de 54% de la production mondiale et une qualité “just good enough“.

Si nous jetons maintenant un oeil aux autres promesses des clean techs, l’avenir n’est guère plus encourageant.

L’éolien qui ne résout pas plus que le solaire le problème du stockage, est depuis la crise financière en bute à la baisse spectaculaire du prix du gaz naturel. Par ailleurs, si l’on trouvait en 2005 cette solution élégante (de grands moulins dans des plaines désertées), des problèmes environnementaux spécifiques sont rapidement apparus. On fini par réaliser que les éoliennes doivent rester relativement proches de centres urbains et que personne ne souhaite vivre à leur proximité.

Le biofuel a été de mon point de vue la plus grosse arnaque environnementale de ces dix dernières années. Tout le monde sachant qu’il allait être nécessaire de convertir une large portion de l’agriculture mondiale à de la monoculture énergétique et que cela était une utopie extrémiste. Plus sérieusement la piste de la culture massive d’algues a été longuement essayée, notamment aux US. Mais là aussi l’anticipation technologique a été trop précoce : ce sujet est dans les tiroirs depuis les années 80 avec des dizaines de problèmes non résolus et qui restent encore du domaine de la recherche agronomique.

Les piles à combustible (FuelCell) ont quant à elles été les plus prometteuses et l’utilisation de l’hydrogène est impeccablement propre. Mais il s’avère que le passage d’une technologie fonctionnant pour alimenter un gadget de bureau, à une technologie de masse n’arrête pas de poser de nouveaux problèmes. Et comme disent les américains “il y a un éléphant dans la pièce” : personne ne semble vouloir directement discuter du fait qu’organiser un circuit global de distribution de l’hydrogène pose des difficultés largement supérieures à celle d’un réseau gaz de ville. Dernier clou dans le cercueil : à nouveau le faible coût actuel du gaz naturel, qui finit d’enterrer toute incitation commerciale à produire des piles dont le coût du kW est trop élevé.

Bon, je ne vais pas poursuivre la démonstration, je pense que vous avez compris mon propos. Celui-ci n’est ni à prendre d’un point de vue écologique, ni politique et il se transpose dans toutes les aventures entrepreneuriales. Si les conditions d’émergence d’un nouveau marché technologique ne sont pas identifiées avec lucidité et pragmatisme (ce qui est en réalité souvent simple), c’est une forme de mysticisme quelconque qui va prendre le dessus et ce n’est pas un bon service à rendre à une entreprise : on appelle cela une bulle. Une alternative possible serait la réaction unanime d’une société entière face à un évènement dramatique. Le Japon nous a ainsi démontré sa capacité à passer en peu de temps de 30% de production électrique nucléaire à 10%, avec seulement 11 centrales restées actives sur 54 depuis Fukushima. Mais nous voyons des limites évidentes pour un pays comme la France dont le nucléaire est plus qu’une ressource, mais aussi une stratégie industrielle.

Au final, la très modeste conclusion à apporter à tout cela serait de vous rappeler un point simple et central de la construction d’un business plan : personne ne croit une seconde à vos projections de chiffre d’affaire à 5 ans. Ce que vos partenaires ou investisseurs potentiels attendent, c’est que vous ayez identifié les hypothèses convaincantes qui vont permettre à votre activité d’exister et de se développer.

On peut à nouveau me qualifier de pessimiste, mais en l’état je n’en vois pas de réelles pour les clean techs, si l’on exclut de nouveaux effets d’opportunités fiscales qui ne sont jamais pérennes, ou une catastrophe dramatique que personne n’attend.

Cela ne m’empêche pas de regarder ce secteur avec un intérêt toujours grandissant : une fois que les bulles ont explosé, les acteurs restants sont beaucoup plus pugnaces et aiguisés !

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