Ayant toujours besoin de rappeler à mes clients à quel point le marketing doit être une force de décision structurant la recherche de profits, je n’ai aucun mal à d’autres moments à en souligner les limites. Le cas d’école actuel est certainement celui des énergies propres. Quand nous voyons qu’en quelques semaines les moteurs électriques, l’énergie éolienne et le recyclage des déchets sont devenus des valeurs de refuge pour les bourses internationales ; ou quand les enjeux écologiques arrivent à faire surface dans les débats préliminaires aux élections américaines… il est facile de mesurer les opportunités industrielles et commerciales apportées par le besoin de “vert”.

Or il y a à peu près un an, le gouvernement français a dû reculer sans tambour ni fanfare sur la promotion des biocarburants. En effet, passé l’enthousiasme médiatique de rigueur qui reposait sur deux messages : a) enfin des carburants moins chers – et b) le Brésil a été un pionnier, suivons son exemple ; les spécialistes ont commencé à pouvoir présenter les tenants et les aboutissants d’une telle démarche. Il est rapidement apparu que le bilan écologique des biocarburants était passablement horrifique. Remplacer les carburants fossiles par des carburants issus de l’agriculture, condamne à des formes de monocultures intensives qui affameraient un peu plus les pays du Sud, tout en rendant les pays développés encore plus dépendants d’importations alimentaires. En bref, une situation ubuesque et parfaitement inconciliable avec la moindre préoccupation écologique.

La dernière surprise en date concerne les véhicules électriques. Depuis que la Toyota Prius fait le bonheur des yuppies californien, tout le monde se demandait comment les autres constructeurs automobiles peuvaient rester aussi cyniques et continuer à ignorer les moteurs hybrides. La technologie des batteries était certes un facteur limitant depuis l’origine : embarquer un poids de batteries d’une demi-tonne pour assurer 60 km d’autonomie n’est pas réaliste. Mais depuis 2000 de nouvelles batteries au lithium (Li-ion), plus légères et avec un rendement électrique très supérieur au couple nickel-cadmium, sont apparues et se sont répandues dans tous les secteurs industriels. Sauf celui de l’automobile (je ne roule toujours pas avec une voiture hybride, et j’imagine que vous non plus).

Que se passe-t’il donc ? Certes l’acuité visionnaire de constructeurs, comme Renault dont le dernier véhicule grand public est un 4×4, peut laisser parfois rêveur. Mais n’existe-t’il pas d’autres freins à l’explosion des véhicules hybrides ?

Ce frein aujourd’hui est bien présent : il s’agit simplement de la maigreur des réserves naturelles de lithium existantes. De fait, depuis le début des années 2000, près d’un quart de la production de lithium est absorbée par l’industrie automobile. Et cela seulement pour des débouchés limités aux concept-cars présentés aux salons de l’auto, à quelques parcs de voitures de sociétés ou de municipalités, et quelques micro-segments clients (nos yuppies californiens). Les analystes du secteur estiment que dans le meilleur des cas, sur le parc mondial de 800 millions de véhicules actuels, seuls quelques millions pourraient être convertis du fait de la limite lithium !

Si d’autres pistes technologiques existent comme celle des batteries nickel-métal-hydrure, en l’état le marché des véhicules électriques est intrinsèquement limité. Et ceci sans même prendre en compte trois autres freins majeurs :

  • La construction de réseaux d’alimentations (au moins) urbains pour les véhicules électriques, avec l’aventure du GPL qui en a démontré la difficulté.
  • La situation géopolitique extrêmement tendue des mines de lithium dans le monde (le Chili, le Tibet, l’Argentine et la Bolivie essentiellement).
  • Le goulet d’étranglement dû au peu d’usines capables de suffisamment raffiner le lithium pour l’utiliser dans des batteries Li-ion.

Nous voyons bien au final, que sous la surface du bon sens et des besoins impérieux du marché, des réalités très dures peuvent à tout moment remettre en cause les meilleures idées, ou les pistes de progrès les plus séduisantes.

Et dans votre secteur d’activité, avez-vous indentifié votre “limite lithium” ?

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