6. Considérer la croissance comme un processus standard

Pour reprendre l’année sur ce (long) sujet, je souhaite vous parler de la vision que l’on peut avoir du développement de son chiffre d’affaires. Dans votre business plan, vous allez devoir vous plier à l’exercice de style relativement stérile qui consiste à représenter consensuellement votre progression des ventes sur les 3 à 5 prochaines années. Intuitivement, les ratios de progressions ressemblent souvent à quelque chose comme :

  • 100 K€ – Mise en place, quelques premières ventes sont réalisées parce que le produit à déjà séduit.
  • 500 K€ – Démarrage de l’activité et prise de volume.
  • 1 M€ – Arrivée à 80% de la part de marché visée initialement, tout c’est bien passé.
  • 1.15 M€ – Progression annuelle à partir de ce plateau…
  • 1.20 M€ – Idem.
  • 1.30 M€ – idem.

Bien joué, c’est très rassurant et parfaitement en accord avec les théories de la fin des années 60 formalisées par Bruce Henderson. Mais bien entendu, personne n’y croit. Le processus de développement de votre entreprise dans ces jeunes années sera parfaitement chaotique, avec des points de passages plus complexes à négocier que simplement l’obtention d’une traction dans les ventes. Sans vouloir proposer une théorie académique de ce qui passe, j’ai tendance à l’analyser en parlant plutôt de quatre phases précoces à négocier successivement :

  • La création à proprement parler, où vous bouclez votre tour de table, recrutez les premières équipes et lancez le prototypage, puis la production.
  • La viabilisation où vous commencez à tourner seuls face au marché, où vous devez affronter la concurrence et développer ce chiffre d’affaires.
  • L’orientation, où après 2-3 ans d’existence vous vous reposez les questions du début au jour de votre expérience maintenant acquise et où il est toujours temps de réorienter radicalement votre activité.
  • Et enfin la croissance, où vous allez essayer de maintenir un cap assez constant, lisible et qui permettra de convaincre de nouveaux investisseurs.

Si vous êtes rapides, ces quatre phases vont s’enchaîner en 4-5 ans, c’est-à-dire l’horizon demandé dans votre business plan. Présentons-le de cette façon :

Vous noterez que je mets en évidence deux embranchements fréquents : des soucis précoces liés à une explosion trop précoce du CA (le gros marché remporté trop tôt qui déstabilise et fait chavirer), ou un manque de structuration dans la croissance, qui va plus tard là aussi déséquilibrer gravement l’entreprise. Mais je ne vais pas en parler aujourd’hui….

Pourquoi vous faire partager cette présentation des phases précoces de la vie de l’entreprise ? Parce qu’elles peuvent vous permettre de présenter des chiffres qui auront plus de substance, en les reliant non pas au consensus mou de ce que devrait être une “jolie” mais “raisonnable” progression de CA, mais plutôt à une vision plus mûre de votre développement. Le bénéfice est aussi de pouvoir clairement présenter au-delà du CA, quels seront pour vous à chaque les facteurs clefs de succès à franchir : tester les prototypes, passer en présérie, prendre les premiers clients, recruter pour mieux structurer l’équipe, etc. Du coup vous sortez d’une discussion convenue et inintéressante pour réellement parler de votre métier d’entrepreneur et je dirais, des choses qui comptent pour convaincre vos interlocuteurs.

Quitte du coup à pouvoir être plus décontractés sur les chiffres présentés, qui ne seront plus les sujets de la discussion… Comme il se devrait.

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