Quand on parle d’innovation technologique, on parle de d’anticiper l’état de l’art, de voir loin et avec acuité, pour pouvoir offrir au marché ce qu’il va attendre alors qu’il ne le sait pas encore aujourd’hui. À ce petit jeu les leaders perdent souvent. Apple, par exemple échoue régulièrement, et il suffit de regarder l’état de leur Apple TV pour s’en convaincre encore aujourd’hui. Quand à des acteurs comme Sony, RIM ou Nokia, ils échouent constamment depuis maintenant de nombreuses années. Dans mes cours de MBA sur l’innovation de business model, je cite depuis plus 3 ans RIM comme un groupe en échec de vision.

Et comme RIM doit renvoyer de plus en plus d’employés, ceux-ci se mettent à communiquer ouvertement sur la culture et le fonctionnement de ce groupe. Amertume de leur côté mise à part, l’image dessinée est assez stable. La semaine dernière par exemple plusieurs ont expliquées que quand Apple avait présenté le premier iPhone en 2007, la plupart des cadres et ingénieurs de RIM pensaient à une forme de supercherie. En particulier, il était pour eux impensable d’envisager un écran multitouch de cette résolution et de cette précision capable de fonctionner plus d’une heure. À la décharge de RIM, cette incrédulité était équitablement partagée par Nokia, Palm, Microsoft ou Motorola.

À la livraison des premiers modèles d’iPhone et leur démontage frénétique, les ingénieurs de RIM eurent la surprise de constater que l’intérieur du mobile était essentiellement une batterie, à laquelle était connectée une minuscule carte logique… Un renversement de logique qui a participé à la déstabilisation de tout un marché !

La mise en défaut des prédictions technologiques des spécialistes concernés est certes toujours un sujet d’étonnement ou de moquerie. Mais les enjeux des grands groupes qui cherchent à caler au plus juste des pipeline de développement mettant en contrainte des milliers de personne n’est pas chose simple. Et si une startup peut rapidement se retourner et prendre en compte une réalité inattendue, les industriels subissent souvent une inertie fatale à long terme. Mais cette inertie, n’est pas simplement liée à leur outil de décision et de production. De nombreuses stratégies permettent d’ailleurs de palier à ce défaut structurel évident (je compte en parler dans un prochain article).

L’une des causes profondes de cette inertie est généralement le développement d’un consensus porté par quelques experts et décideurs et propagé très rapidement à toute l’organisation sans remise en question. Cette vision en tunnel devient le seul champ de réalité acceptable, la seule façon de se projeter dans le futur et, in fine, la création de voies sans issues. Pour peu que l’on s’en donne la peine, il est d’ailleurs facile de se rappeler quelques tunnels de pensée pas si anciens :

  • Le grand public aura peur de payer avec sa CB pour acheter sur internet ;
  • Personne n’a besoin d’un ordinateur moins puissant ;
  • Personne ne va payer pour télécharger des mp3 ;
  • Les smartphones sont réservés à des applications professionnelles.

Permettez-moi de vous pointer quelques uns plus récents :

  • Le grand public aura peur de payer avec son téléphone pour acheter en magasin ;
  • Un livre c’est un objet affectif et sensuel, rien ne peut remplacer le papier ;
  • Posséder sa voiture est essentiel pour les particuliers ;
  • La technologie est essentielle pour créer de nouveaux produits.

Et pour vous, qu’est-ce qui n’est pas possible ?

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