Une large part de notre travail à l’agence passe par la réalisation d’un diagnostic stratégique des entreprises clientes avec qui nous travaillons. Je dois dire que ce n’est pas un exercice forcément très intuitif, dont les objectifs sont souvent flous et que depuis quelques années j’ai eu l’occasion de voir pratiquer de façon très… variable. Sans avoir la prétention de vouloir définir ce que devrait être un diagnostic stratégique idéal, je vais en tout cas me permettre de partager mon expérience dans le domaine.

Tout d’abord en terme d’objectif, un tel diagnostic doit produire un résultat concret. Il ne doit pas être un simple rapport, donnant des bons ou des mauvais points en fonction des qualités et du potentiel de l’entreprise. Cet objectif peut être très différent selon les besoins de l’entreprise cliente, mais il doit au minimum  permettre de construire un ou plusieurs scénarios de développement. Cela signifie aussi qu’il vaut mieux que l’entreprise cliente ait déjà ressentie le besoin de se remettre en question et d’avancer en dehors de sa routine habituelle.

C’est je crois un point essentiel. Avec toute la meilleure volonté du monde, aucun consultant ne peut apporter quoi que ce soit à une équipe de direction fondamentalement figée dans ses idées. C’est un travail d’échange et d’écoute. En contre-partie le consultant doit donner tous les moyens et tous les outils possibles à l’entreprise, pour éclaircir sa vision de la façon la plus objective possible. Et lui permettre ensuite de structurer son développement.

En ce qui me concerne un diagnostic se fait habituellement en 5 étapes :

(1) Comprendre et définir les besoins personnels

… de l’équipe dirigeante et des associés, ainsi que leurs affinités et leur capacité à engager différentes stratégies. Il s’agit de commencer par identifier les blocages ou les atouts personnels des personnes qui pilotent et seront amener à prendre les décisions les plus importantes pour la vie de l’entreprise : croissance externe, passage à l’export, cession… Inutile de perdre du temps par la suite à explorer une stratégie export si le dirigeant souhaite vendre dans 18 mois.

(2) Réaliser un diagnostic interne

… en mettant à plat le business model de l’entreprise et la construction de sa structure de coûts et de revenus. En faire ressortir les avantages compétitifs intrinsèques sur lesquels nous nous appuierons probablement. C’est généralement une étape survolée et même parfois bâclée dans de nombreux diagnostics. Elle est pourtant essentielle et fondatrice. Et je dois dire que dans 80% des cas à l’issue de ce travail un dirigeant voit son entreprise sous un jour nouveau et commence de lui-même à explorer de nouveaux possibles.

(3) Passer au diagnostic externe

… avec des outils classiques (PESTEL, BCG, Porter) et définir les cycles de vie des produits par segment clients. Dans la mesure où c’est l’étape la mieux documentée par l’entreprise et la plus rationnelle, c’est probablement celle qui est la mieux organisée par la plupart des intervenants un peu expérimentés. Mais comme elle repose justement sur les analyses préalables du client, il faut savoir s’en méfier. Il n’est pas rare de voir un dirigeant passer en mode “commercial” avec le consultant et chercher à lui embellir la réalité.

(4) Positionner la situation concurrentielle

… de l’entreprise cliente et analyser sa vision des marchés.  C’est un moment délicat qui commence à faire apparaître quelques scénarios préalables. Malheureusement en TPE il est rare de pouvoir passer plusieurs jours à refaire les études de marchés du client et à avoir les moyens de les critiquer. L’utilisation de scénarios types permet de neutraliser assez efficacement cette limitation. Je retiens souvent trois scénarios : croissance forte, stagnation et perte de vitesse. Si dans quelques mois le dirigeant se rend compte qu’un scénario trop favorable à été construit, il ne sera pas pris au dépourvu et pourra se rabattre sur une autre modélisation. Dans tous les cas, à la fin de cette étape les cycles de vie des différents produits / services par segment client doivent avoir été revus et validés.

(5) Et enfin définir les choix tactiques

… cette dernière étape s’appuie sur les scénarios précédents et va dérouler un plan d’action à 3-5 ans pour atteindre les objectifs définis par le dirigeant, s’ils ont été jugés réalistes. En la matière je suis assez adepte de la méthode des “balanced score card” qui est à la fois équilibrée et pragmatique, puisqu’elle impose des objectifs et des indicateurs d’évolution sur 4 domaines : le financier, les processus, les compétences internes et les clients. Typiquement un pipeline de développement de 3 ans sera aussi défini. Et parfois plus, s’il y a des cycles de R&D longs comme dans le pharmaceutique ou la micro-électronqiue. A la fin de ce travail si l’équipe dirigeante souhaite écrire un business plan pour solliciter des financements ou rechercher des investisseurs, 90% du travail aura été fait.

En terme de temps une mission de diagnostic stratégique demande entre 1/2 journée et un jour plein, par étape. Cela à condition qu’aucune difficulté particulière ne soit rencontrée et que l’équipe dirigeante soit réactive et disponible. En TPE une durée totale de 3 à 4 jours suffit en général amplement.

J’espère que ce bref aperçu donnera une meilleure compréhension de ce qu’est un diagnostic stratégique et de son déroulé. Je crois en tout cas que c’est un exercice périodiquement nécessaire pour chaque entreprise et qui par nature ne devrait jamais être mené en interne. Outre la partie technique qui peut être parfaitement maîtrisée par l’équipe dirigeante ou des cadres de l’entreprise, son principal moteur est la maïeutique. Et elle ne peut être réalisée qu’avec un pivot extérieur, agissant en confidentialité et sans parti pris.

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