Innocentive est une plate-forme en ligne appelant des solutions à des problèmes industriels précis. Il s’agit je pense, de la plus claire et ambitieuse manifestation d’innovation ouverte (open innovation) qui soit active aujourd’hui. Son fonctionnement est relativement simple : un industriel, une ville, ou un groupe d’intérêt publie un problème précis et vous êtes libre de proposer une solution précise, détaillée et fonctionnelle. Si la solution est retenue vous gagnez de quelques milliers de dollars, jusqu’à un million. Bien entendu, c’est une solution applicable qui est demandée. Pas simplement votre “bonne idée”. Les contributeurs les plus actifs sont  en Californie. Et plus de 60% des problèmes sont résolus des personnes souvent munis de masters ou de doctorats partout dans le monde.

Le 30 avril dernier soutenu par la Maison Blanche, Innocentive s’est attaqué à la crise du golfe du Mexique et a publié un vaste appel à solutions pour aider BP à endiguer la catastrophe. Plus de 2.000 solutions ont été envoyées, en dépit de l’absence de récompense financière annoncé. Un énorme succès apparent, puisque le 5 juin la direction de BP a commencé à s’impliquer dans l’étude des solutions soumises. Mais le 19, la multinationale a finalement annoncé qu’elle n’allait pas poursuivre l’étude des solutions proposées. En cause : un calendrier trop chargé et trop peu de ressources disponibles.

Il faut bien comprendre que les solutions proposées n’étaient probablement pas toutes géniales, ni définitives, mais en majorité très sérieuses. Jusqu’à présent les solutions générées par Innocentive ont résolu des problèmes d’extraction de protéines en biochimie, de méthodologie d’intervention chirurgicale au bloc opératoire, d’amélioration de capteurs photo-voltaïques, de contrôle de dispersion de flux dans des turbines industrielles, etc.

Sans connaitre réellement les détails politiques de cette aventure, il reste que BP semble faire montre d’un manque cruel de lucidité. Après avoir démontré son incapacité à régler le problème posé par cette catastrophe pétrolière, le groupe semble surtout vouloir masquer le plus possible les tenants et les aboutissants de ses opérations. Toutes proportions gardée cela démontre aussi que l’innovation ouverte, n’est qu’encore qu’un sujet de discussion dans certains cercles, mais n’est certainement pas un réflexe intégré par les industriels petits ou grands.

Sur le web, la sanction est comme toujours rapide et cinglante :

Une autre preuve en est l’échec annoncé du programme d’innovation ouverte lancé par la SNCF depuis 2008 avec TGVlab. Le programme partagé entre un programme de travail avec des startups innovantes, et une simple boîte à idée en ligne est voué à l’échec :

“A défaut d’avoir un snack bar dans la gare TGV (à l’abandon depuis 1 an) serait il possible d’avoir à minima un distributeur de café dans la gare TGV de Vendôme Villier ???”

Sic…

Pour citer Les Échos du 14 mai :

“Du côté des entrepreneurs, ce fut parfois la soupe à la grimace, à l’image de Sophie Kauffmann. Venue présenter son concept de « crèche canine », elle a d’abord décroché un rendez-vous qui fut ensuite annulé. «  Je n’ai jamais eu d’autre réponse de la SNCF », assure-t-elle aujourd’hui, alors qu’elle a depuis donné naissance à son concept et créé Canicrèche dans le centre de Paris. Ce silence de ses interlocuteurs l’a d’autant plus agacée qu’elle a ensuite retrouvé son idée, postée sous forme de questions à l’adresse des clients sur un site Web de la SNCF.”

Ce qui est démontré ici aussi, c’est que l’innovation ouverte requiert une volonté forte… d’ouverture. De capacité à écouter, se remettre en cause et avancer avec des idées qui ne sont pas forcément adaptées à la culture de l’entreprise. Les Échos montrent bien au travers de quelques exemples, qu’en fait d’innovation ouverte, ce sont des idées déjà présentes chez la SNCF qui sont retenues. L’engouement technophile et vaguement puéril pour les écrans tactiles multitouch est en bien la preuve…

Pour ceux qui veulent aller plus loin sur le sujet et mieux comprendre les enjeux de cette forme d’innovation confrontée aux problèmes de la société, je ne peux que vous conseiller la lecture de “La ville 2.0 : plate-forme d’innovation ouverte” de D. Kaplan et T. Marcou.

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