Stratégie d’océan bleu et leadership

La stratégie d’océan bleu (“blue ocean strategy”) est un concept d’innovation de marché introduit à la fin des années 80 par Charles Hill. L’image saisissante d’océan bleu, est celle de la création d’un marché ressemblant à une mer tropicale vierge, qu’aucun concurrent ne connaît encore. Cet océan bleu s’oppose à l’océan rouge où la concurrence s’étripe pour essayer de capturer un avantage compétitif temporaire.

Bien entendu ce concept stratégique peut ressembler à une tarte à la crème. Tant que faire, tout entrepreneur ou industriel est plutôt prêt à investir un marché inexploré duquel ses concurrents son absents… surtout si ce marché n’est pas une niche étroite. Mais la stratégie de l’océan bleu n’est pas simplement une évidence, c’est aussi une méthodologie expliquant comment préparer et réussir sa sortie de l’océan rouge.

Un point clef et assez contre-intuitif de cette stratégie est par exemple qu’il est nécessaire d’innover dans la façon de créer la valeur ajouté de son offre, en cherchant à la fois un avantage de prix et un avantage de marché. C’est-à-dire qu’il est à la fois nécessaire de chercher à avoir le meilleur produit et le prix le plus bas. Le deuxième point clef lié à celui-ci, est que l’on ne joue pas à un jeu à somme finie (un gâteau que l’on se partage), mais que l’on peut agrandir n’importe quel marché dans des directions nouvelles. Les stratégies habituelles de compétitions ne s’appliquent alors plus.

Un exemple récent est celui de Nintendo et de sa console de jeu : la Wii. Face à la concurrence technologique de Microsoft avec sa X-Box, et celle de Sony avec sa PS3 (deux monstres industriels à l’échelle du marché du jeu vidéo), Nintendo a choisi de se trouver un autre marché, inoccupé et beaucoup plus vaste : celui des joueurs occasionnels, de la famille, et des fins de soirées. Plutôt que de s’enfermer dans un marché qui n’a plus guère de rentabilité (les consoles haut de gammes sont vendues à prix quasi-coûtant), Nintendo choisit avec une technologie obsolète, de se consacrer à la jouabilité et au plaisir. Chose inconcevable les jeux Wii sont donc du niveau de jeux vidéos des années 90 en terme de graphisme. L’astuce est d’avoir misé sur une vraie innovation ergonomique : des contrôleurs permettant de jouer au tennis comme si l’on tenait une vraie raquette, ou de boxer comme si l’on avait des gants de boxe. Et pour le coup les ventes de Nintendo surclassent celles de Sony et Microsoft, coincés dans un marché qu’ils ont vidé de sa profitabilité…

Nous n’allons pas faire ici un cours complet sur ce type de stratégie qui relève d’une approche ambitieuse et très structurée. Cela demande un temps que nous n’avons pas ici.

Mais ce qui a fait l’objet récemment de plusieurs débats avec certains de mes clients, c’est que dans beaucoup de cas, si les océans rouges existent c’est qu’ils sont simplement plus faciles à gérer pour un dirigeant. Il est infiniment plus aisé de pousser son entreprise à être simplement meilleure que des concurrents connus, avec des tailles de marché délimitées, des ambitions raisonnables, des plans de progression à 12-24 mois que n’importe quel investisseur acceptera sans discuter… que de se créer un espace de marché vierge ou aucun système métrique n’est réellement applicable.

Un océan rouge est prévisible et confortable. Alors qu’expliquer sa vision d’innovation radicale et entraîner son entreprise dans un océan bleu l’est beaucoup moins : cela ne relève plus d’un problème technique ou stratégique… mais de son leadership !