Rarement je me permets de reprendre un article. Celui-ci est court et j’ai donc moins de scrupule. Il s’agit simplement d’un extrait d’une interview de William Gibson reprise par Nicolas Nova sur son blog.

Gibson est un auteur de science-fiction que l’on qualifierait de culte, si l’on n’avait maintenant plus honte d’utiliser ce terme. Il est surtout connu pour “Neuromancien”, premier roman à avoir à la fois remporté les trois prix littéraires les plus prestigieux de la SF (Nebula, Hugo et Memorial PK. Dick). Il est aussi connu au travers de toute une génération de conférenciers parlant d’innovation et qui citent mal à propos  :

“The future is here. It’s just not widely distributed yet.” William Gibson

Pour en revenir à l’extrait d’interview en question, il met parfaitement le doigt sur ce qu’entraîne la manifestation d’une destruction créative sur un marché. Non pas parce qu’une technologie de rupture y fait son entrée, mais parce qu’elle va permettre des usages si nouveaux, qu’ils ne peuvent pas être anticipés, canalisés et pour le dire simplement, maîtrisés. Ce n’est pas l’émerveillement technologique qui est le moteur, mais un accès immédiat et intuitif à de nouvelles possibilités par le plus grand nombre. On peut d’ailleurs se rendre compte que historiquement bien peu d’entreprises qui surent amener de telles révolutions, surent aussi en tirer parti…

La littérature de Gibson est souvent basée sur des univers où les technologies de pointe sont ultra-banalisées et ont entrainé des changements sociaux profonds. Les plus de quarante ans peuvent-ils encore se rappeler d’un monde où il n’était pas possible de contacter tous ses proches en temps réel où que l’on soit ? Pouvait-on il y a dix ans imaginer faire du séquençage génétique dans sa cuisine ou imprimer des objets en 3D dans son salon ?

L’extrait en question :

I can remember my father bringing home our first set—this ornate wooden cabinet that was the size of a small refrigerator, with a round cathode-ray picture tube and wooden speaker grilles over elaborate fabric. Like a piece of archaic furniture, even then. Everybody would gather around at a particular time for a broadcast—a baseball game or a variety show or something. And then it would go back to a mandala that was called a test pattern, or nothing—static.
We know that something happened then. We know that broadcast television did something—did everything—to us, and that now we aren’t the same, though broadcast television, in that sense, is already almost over. I can remember seeing the emergence of broadcast television, but I can’t tell what it did to us because I became that which watched broadcast television.
The strongest impacts of an emergent technology are always unanticipated. You can’t know what people are going to do until they get their hands on it and start using it on a daily basis, using it to make a buck and u­sing it for criminal purposes and all the different things that people do. The people who invented pagers, for instance, never imagined that they would change the shape of urban drug dealing all over the world. But pagers so completely changed drug dealing that they ultimately resulted in pay phones being removed from cities as part of a strategy to prevent them from becoming illicit drug markets. We’re increasingly aware that our society is driven by these unpredictable uses we find for the products of our imagination.

Pour faire un peu de sémantique, l’article de Nicolas s’intitule “L’impact inattendu des technologies”. Or, la plupart des technologies n’ont pas de tel impact. Et il me semble plus précis de parler des “Technologies dont l’impact est inattendu” : celles qui recèlent ce pouvoir de transformation. Là où des milliers d’outils de reconnaissance vocale ont échoué, Siri va t’il par exemple arriver à changer nos vies ? Oublierons-nous dans quelques années un monde où il était impossible de s’adresser directement à nos outils pour interagir avec eux ?

La compréhension réelle de cela joue aussi dans des domaines qui ne sont pas technologiques. Il est ainsi impossible de planifier l’impact de nouvelles méthodes de travail et d’organisation telles que celles proposées par le coworking ou l’intrapreneuriat (comprenez bien qu’il est toujours possible de les rationnaliser et d’en expliquer leur ROI – nous savons juste que ce sont des histoires). Elles manifestent pourtant des changements majeurs de paradigme, aux impacts très larges et profonds. Dès lors qu’elles sont mises en oeuvre et soutenues, des changements majeurs se produisent…

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