Dans la catégorie des innovateurs qui ont manqué leur rendez-vous avec l’histoire, Bruce Quande tout comme Kane Kramer, a une place à part. En 1963 Bruce est étudiant dans le Montana et participe à des compétitions d’athlétisme en saut en hauteur. Il est pris en photographie dans une position inhabituelle : laissant de côté les techniques de rouleau ventral, costal, ou même de ciseau, il saute en enroulant la barre de dos. Une canadienne Debbie Brill en 1966 essaiera elle-même ce type de saut en rupture avec les pratiques de l’époque. Mais c’est finalement Dick Fosbury en 1968 aux jeux olympiques de Mexico, qui prendra le risque de cette rupture technique et qui parviendra à remporter une médaille d’or avec un saut à 2,24 m. Depuis les années 80 plus aucun athlète ne s’est risqué à utiliser une autre technique que le “Fosbury flop”.

Les exemples d’innovation de ruptures manquées par un individu et réussies quelques temps après par un autre ne manquent pas. A les discuter ainsi avec notre regard sur le passé, il est toujours aisé de trouver des explications et de justifier après coup les raisons d’un échec ou d’un succès. Je ne crois pas néanmoins qu’il soit si facile que cela de trouver un sens profond à ces histoires : si pour quelque raison que ce soit Bruce avait été sélectionné aux JO de 68, il aurait certainement su faire preuve de la même détermination et aurait les mêmes résultats que Dick Fosbury. Mais il en a été autrement. Bruce était peut être dans une université trop éloignée des centres de sélections, son entraîneur n’a pas reconnu son potentiel, sa technique innovante lui permettait peut être de dépasser ses résultats habituels, mais ne suffisait pas pour faire de lui une graine de champion…

Peu importe. Ce qui reste important pour moi c’est de comprendre c’est que les meilleures idées aux mondes, même mises en pratique à petite échelle (en pré-série) ne suffisent en rien à obtenir une avance suffisante. La capacité de mettre en oeuvre jusqu’au bout et d’atteindre pleinement son marché est peut être la composante la plus importante de l’équation. L’écosystème des start-ups repose d’ailleurs pleinement sur ce principe : ces structures renoncent dans leur modèle économique au véritable profit. Leur but est simplement de valider suffisement un concept innovant pour le rendre crédible et passer la main immédiatement après à un investisseur industriel réellement capable d’ammener l’innovation au marché.

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