Le mois de novembre est un mois où le hasard du calendrier, fait que je donne un certain nombre de cours pour des MBAs ou des Masters spécialisés sur l’innovation et les technologies. Nous travaillons sur beaucoup de sujets et nous revenons toujours à ce que “changer le marché” (c’est à dire “innover”) veut réellement dire et… comment prévoir l’impact des nouvelles technologies.

Le concept souvent de “breakthrough innovation”, que l’on ne peut traduire proprement par “innovation de rupture”, mais plutôt par “innovation par soudaine illumination”, est souvent un morceau de pensée pré-digérée contre lequel je dois me battre avec force. Ce n’est pas parce que tout le monde croit que les innovations qui changent les marchés (qui les “détruisent” au sens schumpetérien du terme) apparaissent du jour au lendemain, que cette idée n’est pas absurde. En opposition au mythe des idées révolutionnaires et de l’eurêka, il n’y a pas si longtemps Steven Johnson décrivait méticuleusement le processus d’intuition progressive, le “slow hunch”, dans un livre appelé Where good ideas come from (D’où viennent les bonnes idées).

L’image plus appropriée est celle d’une longue montée en pression de plaques tectoniques, avant la libération de l’énergie tellurique accumulée pendant des mois et des années, sous forme d’un brutal tremblement de terre. Mais de tout cela, nous en parlions déjà il y un an ici.

Pour illustrer tout cela je prenais il y a quelques jours avec quelques étudiants l’exemple de deux intuitions qui montent doucement, mais très clairement dans les marchés technologiques. Il me semble intéressant de le partager avec vous :

  1. La TV est aujourd’hui un produit toujours bloqué dans le paradigme des années 70 : on a augmenté les chaînes et la qualité des images (encore qu’il faudrait prendre un temps que je n’ai pas ici pour dire tout le mal que la 3D mérite).
MAIS

nous continuons à consommer passivement ce média. Aucune évolution significative n’a été apportée : nous avons un peu de VOD de ci, de là, un peu de lectures en différé sur le web ou par des systèmes d’enregistrement par disque dur, et c’est tout.

  1. L’internet social se diffuse très vite et très largement : Facebook pour ne pas le nommer et un marché à part entière, un deuxième internet dans lequel on consomme, communique et échange sans avoir besoin d’en sortir.
MAIS

certains espaces restent fermés à l’internet et en particulier ceux qui concernent les médias : films, TV, presse, musique… Il est possible de les consommer, de les louer, des les acheter, de les recevoir par abonnement, sans toutefois que la dimension sociale n’est réellement trouvée sa place. iTunes est nul socialement, Amazon permet de critiquer les livres mais sans plus, les blogs permettent de commenter l’actualité sans que personne n’en face quoi que ce soit, et l’on peut loler indéfiniment sur YouTube sans conséquence.

Ayant dit cela, je ne révolutionne rien. Mais il est facile de comprendre que ces deux grands constats vont finir par se heurter et reconfigurer notre façon de consommer la TV : ce dernier écran après le téléphone mobile à rester encore passif. Et je peux parier que la prochaine rupture innovante viendra dans ce domaine. Faisons le tour de quelques acteurs actuels et choisissez votre cheval :

  • Les constructeurs de matériel : Sony, Samsung, LG et Philips producteurs d’objets de plus en plus banalisés et leur pari mou sur une 3D qui n’enchante personne ;
  • Les web players : Facebook, Amazon et Youtube qui après l’internet mobile vont devoir se projeter ailleurs (l’après SoLoMo de Le Meur) ;
  • Le designer-intégrateur : Apple a son horrible iTV, un brouillon insatisfaisant qui sera revu tôt ou tard, et qui peut être le prélude à une réinvention totale du concept de TV à la sauce Cupertino.

Et, pour une fois loin d’être le mauvais élève musclé qui pique le goûter des autres à la récré, Microsoft ? Un Microsoft qui en dépit de la présence Ballmer est arrivé à sortir la Kinect, une vraie révolution qui a encore beaucoup de place à prendre. Un Microsoft qui pourrait amener la troisième pièce du puzzle : la façon dont nous interagissons avec la TV. Un Microsoft qui a même ici de l’avance sur Apple, dont les interfaces tactiles et maintenant voix avec Siri, restent focalisés sur le mobile.

Vous comprendrez à la fin de cet article, que parler d’innovation ou de design ici est quasiment la même chose. Dans tous les cas, rendez-vous dans fin 2012 pour voir si nous avons une TV qui est passée dans le XXIe siècle ?

Et en attendant si vous développez des applications mobiles dans votre startup, il ne serait pas idiot de discuter avec des fabricants de TV et d’y intégrer vos apps. Je dis ça, je dis rien. : )

Addendum / Adobe vient d’annoncer qu’ils abandonnent Flash pour les télévisions : cela renforce parfaitement mon propos sur cette convergence entre les médias sociaux, la mobilité et la TV. Une explosion couve sous ce marché et une reconfiguration massive va être à l’ordre du jour.

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