Je travaille depuis quelques semaines pour une future startup qui va être créée par un grand groupe industriel. Celui-ci cherche à ensemencer, en permettant à de nouvelles pousses de développer des activités, à partir de portfolios technologiques qui ne sont pas stratégiques pour le groupe. Le travail porte sur la qualification de l’intérêt marketing des produits imaginés, la construction d’une vision stratégique et la formalisation d’un business model. Au cours de ce travail nous avons été amené à nous poser des questions très intéressantes que je souhaite partager avec vous (en restant très discret sur l’activité de la startup en création bien entendu).

Freemium

L’un des points central lié à la personnalité des créateurs de cette startup, a été volonté de réaliser des profits d’une part, mais aussi d’apporter gratuitement à une communauté d’utilisateurs de nouveaux services. Rien de très révolutionnaire si l’on s’arrête à un modèle “freemium” classique : le service initial est gratuit, mais si vous souhaitez avoir une plus forte consommation de ce service il faudra payer. Mais cette logique ne répondait pas à la volonté annoncée. Le modèle freemium est le plus souvent un artifice commercial. Une fois que vous avez goûté au service, l’entreprise parie que vous souhaiterez aller plus loin et réellement consommer. C’est plus une logique d’essai que de don. Encore que Google, avec des service comme Gmail prouve le contraire. Il n’y a qu’une part infime des utilisateurs de leur webmail qui a besoin de passer à une formule payante via Google Apps. Pour la majorité des utilisateurs c’est un “don”, qui n’est rentabilisé que par la présence de publicités (facilement désactivables).

Open Source

Une autre approche est celle de l’open source. Dans ce cas la plupart des droits d’une technologie sont consentis sans contre-partie. Une fois diffusée, vous pouvez copier, diffuser, modifier la technologie. Ne subsistent en général que des règles d’attribution : il est exigé que les auteurs restent cités et identifiés. Même si l’open source peut donc produire des technologies gratuites, une rémunération est demandée : celle de la reconnaissance. Si vous souhaitez allez plus loin sur ce point, je vous renvoie vers un article récent où je parlais de ce sujet : Innover les Business Models par la Monétisation.

Bien que l’open source concerne essentiellement le domaine du logiciel, Arduino en Italie est une TPE devenue célèbre en créant le modèle de l’hardware open source. Arduino développe des systèmes électroniques très malins dont les plans sont diffusés librement, et dont tout le monde s’empresse de bénéficier. Y compris des concurrents qui produisent des systèmes “Arduino” en les copiant ouvertement et sans chercher à faire de R&D. Mais une fois qu’une reconnaissance suffisante est obtenue, les gros clients viennent proposer des missions spécifiques à haute valeur ajoutée. C’est une logique de propagation : on donne en échange d’une forte recommendation. Celle-ci permet ensuite de générer une activité commerciale avec le haut du marché.

Mais ici encore cela ne correspondait pas parfaitement à la vision des entrepreneurs avec qui je travaille.

Shared Innovation

Nous en sommes alors venu au concept d’innovation partagé. L’idée est cette fois-ci d’aller rapidement à création d’un service à très forte valeur ajoutée pour des entreprises, et de le commercialiser à un prix relativement élevé. C’est une logique de leadership produit : devenir les meilleurs sur un segment d’innovation technologique. La contre-partie est la nécessité de maintenir des cycles d’innovations rapides et continus, pour conserver son avance face à une concurrence qui tôt ou tard se réveille. Les services devenant moins intéressants pour le haut du marché devraient selon la logique habituelle, être vendus de moins en moins en chers en descendant de plus en plus dans la marché. C’est la stratégie de la vache à lait formalisée par le Boston Consulting Group dans les années 70.

Notre approche a été plus radicale : si la startup parvient à développer des technologies suffisamment en avance, elle ne se rémunèrera qu’avec la dernière version de ces technologies. Les versions précédentes plutôt que d’être rentabilisées le plus possible, seront données gratuitement au marché. Du Freemium inversé en quelque sorte (Premee ?) où les profits obtenus doivent être suffisant, pour ensuite partager les technologies gratuitement dès que possible. Si vous imaginez Free fournir gratuitement l’ADSL 1-10 Mo et ne faire payer que le 28 Mo, vous avez compris l’idée.  Si elle est tenable, cette stratégie a deux intérêts : on donne réellement quelque chose à la communauté (pas un service tronqué en espérant faire monter en gamme un client appâté), et on neutralise la concurrence qui n’a pas d’espace de jeux en arrière. Impossible pour d’autres de venir se positionner avec un service un peu moins performant à moindre coût.

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