Je vais essayer de prendre le temps de développer un point clef qui m’apparait de plus en plus dans le monde de la startup. Cela concerne la jonction entre le design et la stratégie des jeunes entreprises. Pour point de départ, citons l’inoxydable Steve Blank :

Une startup est une organisation temporaire créée pour trouver un business model qui puisse monter en puissance et qui soit répétable.

C’est de façon claire l’un des piliers de mon travail à l’agence : innover par les business models, pivoter sans se focaliser sur la technologie et la R&D (ce sont des ressources, pas une fin en soi). Mais c’est encore insuffisant. Une faiblesse que nous avions identifiée dès le départ avec Stéphanie, est  l’absence de gestion du facteur humain (la partie “learn” du “lean startup management”). De ce point de vue, nous nous sommes toujours astreint à apporter un solide travail de développement managérial. Et donc à soutenir l’évolution des associés et de leurs équipes dans des transitions professionnelles brutales.

Cette première jonction innovation de business model / développement managérial est déjà assez satisfaisante, mais encore insuffisante. Il y a encore des trous d’airs que je ressens de plus en plus, du fait que des choses que je tenais comme acquises, ne le sont pas. Et du coup, je discerne de plus en plus l’intérêt le besoin d’une approche concertée avec le design. Je suis loin de l’avoir correctement formulée et j’avance pas à pas, car ce n’est pas simple. J’ai appris par exemple que les designers sont comme les financiers : ils vont avoir une très bonne perspective sur l’entreprise, mais sous un angle particulier, insuffisant pour en dégager une stratégie (là je viens de me faire pas mal d’amis)… Mais c’est bien normal. Aucun cursus de design (/ finance) que je connaisse, ne fournit les outils et l’expérience nécessaire à la gestion de l’entreprise, de son management et de son déploiement sur un marché.

Et néanmoins l’articulation design / business model / développement managérial commence à se dessiner, même si elle n’est pas simple à obtenir. Je constate dans le meilleur des cas des mises en parallèles : on va faire X jours de design et X jours de stratégie pour une startup. C’est souvent beaucoup de confusion pour les porteurs de projets : des idées convergentes par certains aspects, divergentes par d’autres, des recommandations mal placées (la stratégie qui donne un avis tranché sur la manifestation de l’offre produit, ou le design qui oriente le positionnement concurrentiel), etc. Dans un esprit de conciliation efficace, un travail que je trouve intéressant est celui de Colin Raney chez Ideo :

Ce travail prend le soin de formuler le business model, d’essayer de clarifier l’environnement concurrentiel et stratégique, puis d’intégrer la perspective client. Très intéressant, mais un peu trop mécanique à mon avis. Je trouve qu’une mise en phase progressive des deux approches serait plus intéressabte : poser la problématique en terme de stratégie et de business model, critiquer sur le terrain les premières hypothèses par le design du “produit minimum viable” et tout ce qui s’y rattache, reprendre le business model de façon plus claire, reformuler l’offre et la tester, etc. Bref, par des aller-retours rapides, utiliser le meilleur des deux mondes pour stabiliser la startup en une entreprise :

Le cycle de développement client se coordonne alors avec une prépondérance alternée, un passage de relais efficace, entre les deux approches :

  1. Phase créative de recherche de business model
  2. Phases de prototypages de l’offre et d’exploration du marché
  3. Reformulation et montée en puissance

Le tout soutenu en continu par le développement managérial des équipes de la startup, qui vont devenir de plus en plus à même de diriger et de faire survivre une entreprise plus lourde à gérer (plus de CA, plus de salariés, plus de coûts fixes). Et je dois dire que la région PACA est un très bon terrain d’expérimentation actuellement : avec à la fois un programme de formation et d’accompagnement à l’innovation de business model (dont je m’occupe) et un dispositif de designers en résidence dans quatre pépinières locales. Cela, rajouté à d’autres projets qui verront peut être le jour avec l’ENSCI à Paris, et au travail que je fais régulièrement avec Gemalto et qui implique de plus en plus le design…

L’équation gagnante que je retiens pour l’instant est à l’addition de ces trois composantes :

  • Innovation de business model : innover stratégiquement
  • Design thinking : intégrer la perspective client
  • Développement managérial : créer une entreprise apprenante

Le dosage et la mise en musique complète reste encore à construire. Tout cela promet plusieurs mois passionnants et comme je le disais au tout début, il faudra en reparler.

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