Ces dernières semaines j’ai eu pas mal de travail centré sur le fameux “pitch d’ascenseur” : comment présente-t-on son projet de startup de façon élégante et convaincante à de possibles partenaires ? C’est toujours un exercice hautement intéressant, car il doit amener en quelques minutes au coeur d’un projet innovant, en expliquant notamment quel est le problème résolu par la startup.

Or pour beaucoup d’investisseurs il est difficile de comprendre un changement de logique profond qui est arrivé depuis quelques années dans l’innovation.

Des startups comme One Feat (un jeu sur iPhone avec lequel vous vous lancez des défis que vous photographiez, pour les échanger avec vos amis) sont incompréhensibles pour des gens formés dans les années 80 à la finance et à l’économie. Cela du coup fait des drames quand ces entrepreneurs claquent la porte française et vont lever un demi-million de dollars en quelques semaines aux US.

Et à ce jeu tout le monde passe à côté des choses.

Les investisseurs déclarent “on voit des gamins qui ne font pas un euro de revenu nous faire perdre notre temps en nous expliquant qu’il faut les valoriser plusieurs millions d’euros” (je cite de mémoire une intervention classique d’un BA, la semaine dernière lors d’une réunion PACA Investissement). Et les porteurs de projet qui survivent déclarent “à notre stade la monétisation ne compte pas” ou “une startup n’est pas faite pour avoir un business model”.

Il va quand même falloir digérer un jour que l’univers économique de nos pays riches, n’est plus tellement industriel. Il s’est largement transformé pour devenir un univers de l’interaction, des services, de la notoriété et des interfaces. L’information est devenue plus importante que le produit. Le nombre d’utilisateurs remplace l’IP. Je sais, ces règles sont dures à avaler.

En même temps, on ne peut pas continuer à rêver aux années 60 et ne financer que de la fission nucléaire et des nano-technologies. Je parle évidemment très régulièrement d’innovation non-technologique, ou d’innovation de business model. Au coeur de cette discussion il y a le fait que l’habituel paradigme : “j’invente une technologie, je la protège et j’en exploite les rentes pour les années qui viennent…” ne marche plus. La technologie est aujourd’hui dans les mains de tous, elle se banalise de plus en plus, devient hautement copiable dès le départ et quasi-impossible à protéger.

Si quelques secteurs technologiques refuges restent, nous n’avons plus réellement besoin de technologie pour innover.

Il va falloir se réveiller !

Et du côté des startups l’idée n’est pas non plus d’essayer de créer un buzz pendant trois mois pour pouvoir prendre sa retraite à 25 ans et s’acheter une île tropicale à 40 (en même temps je vous le souhaite bien volontiers). Créer du buzz est facile. Créer une entreprise pérenne horriblement délicat.

Dans l’ordre des choses de 2012, une startup est là pour inventer un business model. Elle n’en a pas besoin au départ, mais son boulot est justement de la créer (probablement en brisant ce que des acteurs anciens sont toujours en train de faire). Mais il va surtout falloir identifier le foutu problème que vous voulez traiter et qui permettra peut-être de construire un business model viable.

À Stanford, où l’on a souvent oublié d’être en retard sur les sujets pointus, des gens comme Nir EYAL ou Peter THIEL ont des cours spécifiques sur la découverte de problèmes cachés à fort potentiel. Trouver quels sont les mécanismes sociaux, comportementaux, ou neurologiques, mis en oeuvre dans le prochain Facebook est devenu le Graal d’une génération de professionnels de la création de valeur.

Quand est-ce que nous nous y mettons ?

L’innovation repose maintenant largement sur le fait de savoir si pour vendre de l’eau minérale, il est abominablement idiot ou d’une précision critique dans l’analyse des comportements, de faire cela.

Ce qui soit dit en passant est devenu plus un problème de design des usages, que d’invention technologique. Sauf erreur de ma part la technologie du “magnet” est suffisamment bien répandue aujourd’hui et pour le reste c’est tellement peu stratégique qu’Evian vous donne presque le plan de fabrication :

Dans la plupart de nos marchés, les problèmes technologiques sont derrière nous. Il n’y a plus grand chose à inventer, mais tout reste encore à innover.

La question est donc bien là : votre entreprise traite t’elle un problème critique ou s’est elle endormie ?

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